La Sainte Messe Apostolique

 

par Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque, le 13 janvier 2022.

 

 

 

La messe catholique
Célébration de l’eucharistie et de la communion avec Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque.

 

 

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Dans une vidéo diffusée par Archbishop Carlo Maria Viganò -Officiel, sur Rumble, le 13 janvier 2022, Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque,

nous fait part de l’importance de La Sainte Messe Apostolique par un témoignage très émouvant.

 

La vidéo est intitulée: Dilecta Mea — A propos de la Sainte Messe Apostolique

 

https://rumble.com/vsj9m5-dilecta-mea-a-propos-de-la-sainte-messe-apostolique.html

 

 

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Dans la présentation de cette vidéo, nous retrouvons le texte intégral de la vidéo signé, en date du 2 janvier 2022, de  la plume de Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque :

 

Vous qui vous permettez d’interdire la Sainte Messe Apostolique, l’avez-vous jamais célébrée ? Vous qui, du haut de vos chaires liturgiques, prononcez des jugements péremptoires sur la « vieille Messe », avez-vous jamais médité sur ses prières, ses rites, ses gestes anciens et sacrés ? Je me suis posé cette question à plusieurs reprises ces dernières années ; parce que moi-même, qui connais cette Messe depuis mon enfance, qui, lorsque je portais encore des pantalons courts, avais appris à la servir et à répondre au célébrant, je l’avais presque oubliée et perdue. Introibo ad altare Dei. A genoux sur les marches glacées de l’autel avant d’aller à l’école en hiver ; transpirant sous ma robe d’enfant de chœur dans la canicule de certains jours d’été. Je l’avais oubliée, cette Messe, bien qu’elle fût celle de mon Ordination, le 24 mars 1968 : une époque où l’on percevait déjà les signes de cette révolution qui sous peu allait priver l’Église de son trésor le plus précieux pour imposer un rite contrefait.

Eh bien, cette Messe, que la réforme conciliaire a effacée et interdite dans mes premières années de Sacerdoce, demeurait comme un souvenir lointain, comme le sourire d’un être cher éloigné, le regard d’un parent disparu, le son d’un dimanche avec ses cloches, ses voix amicales. Mais c’était quelque chose qui relevait de la nostalgie, de la jeunesse, de l’enthousiasme d’une époque où les engagements ecclésiastiques étaient encore à venir, où nous voulions tous croire que le monde pouvait se relever de l’après-guerre et de la menace du Communisme avec un élan spirituel renouvelé. Nous voulions croire que la prospérité économique pouvait en quelque sorte s’accompagner d’une renaissance morale et religieuse du Pays. Malgré les soixante-huitards, les occupations [d’usines ou d’universités], le terrorisme, les Brigades Rouges, la crise du Moyen-Orient. Ainsi, parmi les nombreux engagements ecclésiastiques et diplomatiques, s’était cristallisé dans ma mémoire le souvenir de quelque chose qui était resté en fait non résolu, mis « temporairement » de côté, pendant des décennies. Quelque chose qui attendait patiemment, avec l’indulgence que seul Dieu utilise à notre égard.

Ma décision de dénoncer les scandales des Prélats américains et de la Curie Romaine a été l’occasion qui m’a amené à considérer, sous un jour différent, non seulement mon rôle d’Archevêque et de Nonce Apostolique, mais aussi l’âme de ce Sacerdoce que mon service au Vatican d’abord et plus récemment aux États-Unis avait en quelque sorte laissé incomplet : plus pour mon être de prêtre que pour le ministère. Et ce que je n’avais pas compris jusqu’alors m’est apparu clairement à travers une circonstance apparemment inattendue, lorsque ma sécurité personnelle semblait menacée et que je me suis retrouvé, malgré moi, à devoir vivre presque caché, loin des palais de la Curie. Ce fut alors que cette ségrégation bénie, que je considère maintenant comme une sorte de choix monastique, m’a amené à redécouvrir la Sainte Messe tridentine. Je me souviens bien du jour où, au lieu de la chasuble moderne, j’ai revêtu les ornements traditionnels, avec le cappino ambrosien et le manipule : je me souviens de la crainte que j’ai ressentie en prononçant, après presque cinquante ans, ces prières du Missel qui ressurgissaient dans ma bouche comme si je les avais récitées peu de temps auparavant. Confitemini Domino, quoniam bonus, au lieu du psaume Judica me, Deus du rite romain. Munda cor meum ac labia mea. Ces paroles n’étaient plus celles de l’enfant de chœur ou du jeune séminariste, mais celles du célébrant, celles que je prononçais moi-même, qui, de nouveau, j’oserais dire pour la première fois, célébrais devant la Très Sainte Trinité. Car il est bien vrai que le prêtre est une personne qui vit essentiellement pour les autres – pour Dieu et pour le prochain – mais il est également vrai que s’il n’est pas conscient de sa propre identité et ne cultive pas sa propre sainteté, son apostolat est aussi stérile que le tintement d’une cymbale.

Je sais que ces réflexions peuvent laisser impassible, voire susciter la pitié, chez ceux qui n’ont jamais eu la grâce de célébrer la Messe de toujours. Mais la même chose arrive, j’imagine, à ceux qui n’ont jamais été amoureux et ne comprennent pas l’enthousiasme et le chaste transport du bien-aimé vers sa bien-aimée, pour ceux qui ne connaissent pas la joie de se perdre dans ses yeux. Le morne liturgiste romain, le Prélat avec son clergyman taillé sur mesure et sa croix pectorale dans sa poche de poitrine, le consulteur de Congrégation avec le dernier exemplaire de Concilium ou de la Civiltà Cattolica bien en vue, regardent la Messe de saint Pie V avec les yeux de l’entomologiste (la science de l’étude des insectes), scrutant ce Missel comme un botaniste observe les nervures d’une feuille ou les ailes d’un papillon. Je me demande parfois s’ils ne le font pas avec l’insensibilité du chirurgien qui découpe avec son bistouri un corps vivant. Mais si un prêtre doté d’un minimum de vie intérieure s’approche de l’ancienne Messe, qu’il l’ait toujours connue ou qu’il la découvre pour la première fois, il est profondément secoué par l’ineffable majesté du rite, comme s’il sortait du temps pour entrer dans l’éternité de Dieu.

Ce que je voudrais que mes Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce comprennent, c’est que cette Messe est intrinsèquement divine, car on y perçoit le sacré de manière viscérale : on est littéralement ravi au ciel, en présence de la Très Sainte Trinité et de la Cour céleste, loin du bruit du monde. C’est un chant d’amour, dans lequel la répétition des signes, des révérences, des mots sacrés n’a rien d’inutile, tout comme la mère ne se lasse pas d’embrasser son enfant, la mariée de répéter « Je t’aime » à son époux. Tout est oublié, car tout ce qui y est dit et chanté est éternel, tous les gestes qui y sont posés sont pérennes, hors de l’histoire, et pourtant immergés dans un continuum qui unit le Cénacle, le Calvaire et l’autel sur lequel on célèbre. Le célébrant ne s’adresse pas à l’assemblée, avec le souci d’être compréhensible ou de se rendre sympathique ou de paraître à la page, mais à Dieu : et devant Dieu, il n’y a que le sentiment d’une infinie gratitude pour le privilège de pouvoir porter avec soi les prières du peuple chrétien, les joies et les peines de tant d’âmes, les péchés et les manquements de ceux qui implorent le pardon et la miséricorde, la reconnaissance pour les grâces reçues, les suffrages pour nos chers défunts. Nous sommes seuls, et en même temps nous nous sentons intimement unis à une foule innombrable d’âmes traversant le temps et l’espace.

Quand je célèbre la Messe Apostolique, je prends conscience que sur ce même autel, consacré par les reliques des Martyrs, tant de Saints et des milliers de prêtres ont célébré, en utilisant les mêmes mots que moi, en répétant les mêmes gestes, en faisant les mêmes inclinations et génuflexions, en revêtant les mêmes ornements. Mais surtout, en communiant au même Corps et Sang de Notre Seigneur, auquel nous avons tous été assimilés dans l’offrande du Saint Sacrifice. Quand je célèbre la Messe de toujours, je réalise de la manière la plus sublime et la plus complète le vrai sens de ce que la doctrine nous enseigne. Agir in persona Christi n’est pas une répétition mécanique d’une formule, mais la conscience que ma bouche profère les mêmes paroles que le Sauveur a prononcées sur le pain et le vin au Cénacle ; qu’en élevant vers le Père l’Hostie et le Calice, je répète l’immolation que le Christ a faite de Lui-même sur la Croix ; qu’en communiant, je consomme la Victime sacrificielle, je me nourris de Dieu, et je ne participe pas à un repas festif. Et avec moi, il y a toute l’Église : l’Église triomphante qui daigne s’unir à ma prière implorante, l’Église souffrante qui attend ma prière pour abréger le séjour des âmes au Purgatoire, l’Église militante qui se fortifie dans le combat spirituel quotidien. Mais si vraiment, comme nous le professons avec foi, notre bouche est la bouche du Christ, si vraiment nos paroles dans la Consécration sont celles du Christ, si les mains avec lesquelles nous touchons la sainte Hostie et le Calice sont les mains du Christ, quel respect devons-nous avoir pour notre corps, en le gardant pur et incontaminé ? Quel meilleur stimulant pour rester dans la Grâce de Dieu ? Mundamini, qui fertis vasa Domini. Et avec les mots du Missel : Aufer a nobis, quæsumus, Domine, iniquitates nostras : ut ad sancta sanctorum puris mereamur mentibus introire.

Le théologien me dira qu’il s’agit de la doctrine commune, et que la Messe est exactement cela, quel que soit le rite. Je ne le nie pas, rationnellement. Mais alors que la célébration de la Messe tridentine est un rappel constant d’une continuité ininterrompue de l’œuvre de la Rédemption parsemée de Saints et de Bienheureux, il ne me semble pas qu’il en soit de même avec le rite réformé. Si je regarde la table versus populum, j’y vois l’autel luthérien ou la table protestante ; si je lis les paroles de l’Institution de la Dernière Cène sous la forme d’un récit, j’y entends les changements du Common Book of Prayer de Cranmer, et le service de Calvin ; si je fais défiler le calendrier réformé, j’y trouve expurgés les mêmes Saints que les hérétiques de la Pseudo-Réforme ont effacés. De même pour les cantiques, qui horrifieraient un Catholique anglais ou allemand : entendre sous les voûtes d’une église les chants de ceux qui ont martyrisé nos prêtres et piétiné le Saint Sacrement au mépris de la « superstition papiste » devrait faire comprendre le fossé qui sépare la Messe catholique de sa contrefaçon conciliaire. Sans parler de la langue : les premiers à abolir le latin furent précisément les hérétiques, au nom d’une meilleure compréhension des rites pour le peuple ; un peuple qu’ils ont trompé, remettant en cause la Vérité révélée et propageant l’erreur. Tout est profane dans le Novus Ordo. Tout est momentané, tout est accidentel, tout est contingent, variable, changeant. Il n’y a rien d’éternel, car l’éternité est immuable, tout comme la Foi est immuable. Comme Dieu est immuable.

Il y a un autre aspect de la Sainte Messe traditionnelle que je voudrais souligner, qui nous unit aux Saints et Martyrs du passé. Depuis le temps des catacombes et jusqu’aux dernières persécutions, partout où un prêtre célèbre le Saint Sacrifice, fût-ce dans un grenier ou une cave, dans la brousse, dans une grange ou même dans une camionnette, il est mystiquement en communion avec cette foule de témoins héroïques de la Foi, et sur cet autel improvisé repose le regard de la Très Sainte Trinité, devant lui toutes les armées angéliques se prosternent en adoration, vers lui les âmes du Purgatoire tournent leurs regards. En cela aussi, et surtout en cela, chacun de nous comprend comment la Tradition crée un lien indissoluble à travers les siècles, non seulement dans la garde jalouse de ce trésor, mais aussi dans l’endurance des épreuves que cela comporte, fût-ce la mort. Face à cette pensée, l’arrogance du tyran, avec ses décrets délirants, doit nous renforcer dans notre fidélité au Christ et nous faire sentir que nous faisons partie de l’Église de tous les temps, car on ne peut pas remporter la palme de la victoire si on n’est pas prêt à combattre le bonum certamen.

Je voudrais que mes Confrères osent l’impensable : je voudrais qu’ils s’approchent de la Messe tridentine non pas pour se réjouir de la dentelle d’un surplis ou de la broderie d’une chasuble, ou par simple conviction rationnelle de sa légitimité canonique ou du fait qu’elle n’a jamais été abolie, mais avec la crainte révérencielle avec laquelle Moïse s’est approché du buisson ardent : sachant que chacun d’entre nous, en redescendant de l’autel après le dernier Évangile, est en quelque sorte intérieurement transfiguré parce qu’il y a rencontré le Saint des Saints. Ce n’est que là, sur ce Sinaï mystique, que nous pouvons comprendre l’essence même de notre Sacerdoce, qui est avant tout don de soi à Dieu, oblation de tout son être avec le Christ Victime, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes ; sacrifice spirituel qui tire force et vigueur de la Messe ; abnégation pour laisser la place au Grand Prêtre ; signe de véritable humilité, dans l’anéantissement de la volonté propre et l’abandon à la volonté du Père, à l’exemple du Seigneur ; geste d’authentique « communion » avec les Saints, en partageant la même profession de Foi et le même rite. Et je voudrais que cette « expérience » soit vécue non seulement par ceux qui célèbrent le Novus Ordo depuis des décennies, mais surtout par les jeunes prêtres et par ceux qui exercent leur ministère en première ligne : la Messe de Saint Pie V est destinée aux esprits indomptables, aux âmes généreuses et héroïques, aux cœurs brûlant de Charité pour Dieu et pour le prochain.

Je le sais bien : la vie des prêtres d’aujourd’hui est faite de mille épreuves, de stress, du sentiment d’être seul à lutter contre le monde, dans le désintérêt et l’ostracisme des supérieurs, d’une lente usure qui détourne du recueillement, de la vie intérieure, de la croissance spirituelle. Et je sais très bien que ce sentiment d’être assiégé, ou comme un marin solitaire devant diriger un navire en pleine tempête, n’est pas l’apanage des traditionalistes ni des progressistes, mais c’est le destin commun de tous ceux qui ont offert leur vie au Seigneur et à l’Église, chacun avec ses propres misères, ses problèmes économiques, ses malentendus avec l’évêque, les critiques des frères, les demandes des fidèles. Et ces heures de solitude, où la présence de Dieu et la compagnie de la Vierge semblent disparaître, comme dans la nuit obscure de saint Jean de la Croix. Quare me repulisti ? Et quare tristis incedo, dum affligit me inimicus ? Quand le diable serpente malicieusement entre Internet et la télévision, quærens quem devoret, profitant perfidement de notre fatigue. Dans ces cas, auxquels nous sommes tous confrontés comme Notre Seigneur à Gethsémani, c’est notre Sacerdoce que Satan veut frapper, se présentant de manière persuasive comme Salomé devant Hérode, nous demandant en cadeau la tête du Baptiste. Ab homine iniquo, et doloso erue me. Dans l’épreuve, nous sommes tous égaux : car la victoire que l’Ennemi veut remporter n’est pas seulement sur nos pauvres âmes baptisées, mais sur le Christ Prêtre, dont nous portons l’Onction.

C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, la Sainte Messe tridentine est l’unique ancre de salut pour le Sacerdoce catholique, parce qu’en elle le prêtre renaît, chaque jour, dans ce temps privilégié d’union intime avec la Trinité bienheureuse, et il y puise les grâces indispensables pour ne pas tomber dans le péché, pour progresser sur le chemin de la sainteté, pour trouver le sain équilibre avec lequel affronter le Ministère. Croire que tout cela puisse être écarté comme une simple question de cérémonial ou d’esthétique, c’est n’avoir rien compris à sa Vocation. Parce que la Sainte Messe de « toujours » – et elle l’est vraiment, de même que depuis toujours elle est combattue par l’Adversaire – n’est pas une amante complaisante qui s’offre à n’importe qui, mais une épouse jalouse et chaste, comme est jaloux le Seigneur.

Voulez-vous plaire à Dieu ou à ceux qui vous éloignent de Lui ? La question, après tout, est toujours celle-ci : le choix entre le doux joug du Christ et les chaînes de l’esclavage de l’adversaire. La réponse vous apparaîtra claire et limpide, lorsque vous aussi, émerveillés par ce trésor incommensurable qui vous a été caché, vous découvrirez ce que signifie célébrer le Saint Sacrifice non pas comme de pathétiques « présidents d’assemblée », mais comme « ministres du Christ et dispensateurs des Mystères de Dieu » (I Cor 4,1).

Prenez le Missel en main, demandez l’aide d’un prêtre ami et gravissez la montagne de la Transfiguration : Emitte lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt, et adduxerunt in montem sanctum tuum, et in tabernacula tua. Comme Pierre, Jacques et Jean, vous vous écrierez : Domine, bonum est nos hic esse, « Seigneur, il est bon que nous restions ici ». (Mt 17, 4). Ou, selon les paroles du Psalmiste que le célébrant répète à l’Offertoire : Domine, dilexi decorem domus tuæ, et locum habitationis gloriæ tuæ.

Quand vous aurez découvert cela, personne ne pourra vous enlever ce pourquoi le Seigneur ne vous appelle plus serviteurs mais amis (Jn 15,15). Personne ne pourra jamais vous persuader d’y renoncer, vous obligeant à vous contenter de son adultération engendrée par des esprits rebelles. Eratis enim aliquando tenebræ : nunc enim lux in Domino. Ut filii lucis ambulate. « Si vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur. Conduisez-vous donc comme des enfants de lumière » (Ep 5, 8). Propter quod dicit : Surge qui dormis, et exsurge a mortuis, et illuminabit te Christus. « C’est pourquoi il est écrit : Réveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts, et le Christ brillera sur toi » (Ep 5, 14).

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

2 janvier 2022

Sanctissimi Nominis JESU

 

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